Le référé mesures utiles

Publié le par Sylvain MANYACH

L'article L 523-3 du code de justice administrative dispose que "En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes (…) mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ».

Ce référé "mesures utiles" peut être utilisé, par exemple, pour obtenir l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, ou bien encore la communication de documents administratifs nécessaires pour exercer un recours contentieux.

Dans les deux cas, le prononcé d'une mesure utile est subordonné à l'existence d'une condition d'urgence qui doit être établie par le demandeur. Ainsi, dans cet arrêt du 18 mars 2003 Association Maison des Jeunes et de la Culture de de MERU, le Conseil d'Etat reproche au juge des référé de ne pas l'avoir mis en mesure d'exercer son contrôle de cassation en se bornant à constater qu'une personne occupe sans droit ni titre des locaux et déduit de cette seule constatation qu'il y a lieu d'en ordonner l'expulsion, sans rechercher si la libération de ces locaux présente un caractère d'urgence.

En tout état de cause, on ne peut déduire la situation d'urgence de la seule absence de titre d'occupation du domaine public. D'autant plus que le Conseil d'Etat a maintenu sa jurisprudence antérieure relative à l'absence de contestation sérieuse pour prononcer une expulsion, comme dans cet arrêt du 16 mai 2003 SARL ICOMATEX, où il précise qu' en jugeant qu'à la date où il statuait, la SARL ICOMATEX occupait sans droit ni titre le domaine public, sans rechercher si les illégalités invoquées par elle à l'encontre de la décision de non-renouvellement de la concession dont elle était titulaire étaient de nature à caractériser une contestation sérieuse de la mesure d'expulsion demandée par le gestionnaire du domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit. Et, dans cet autre arrêt du 8 juillet 2002 commune de Cogolin, le juge des référés pouvait, en l'état de ses constatations souveraines, se borner à considérer que la demande de la COMMUNE DE COGOLIN ne revêtait "aucun caractère d'urgence ni même d'utilité", sans être tenu de statuer explicitement sur le point de savoir si la SA Port Cogolin Carénage disposait, à la date de l'ordonnance attaquée, d'un titre l'habilitant à occuper la dépendance en cause. En revanche, la continuité du service peut caractériser une situation d'urgence. Dans le même arrêt :  pour apprécier si la mesure sollicitée présentait un caractère d'urgence ou d'utilité le juge des référés pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre en considération la continuité du service rendu aux usagers du port de Cogolin, alors même que le lien contractuel unissant la commune à la SA Port Cogolin Carénage aurait cessé, le juge des référés appréciant souverainement les menaces qui pèsent sur la continuité du service public . Ou encore, dans l'arrêt ICOMATEX précité, le juge apprécie si le maintien sur les lieux de la société fait obstacle à l'utilisation normale et conforme au règlement intérieur de l'emplacement qu'elle occupe dans le marché d'intérêt national de Strasbourg.

Mais la demande de référé peut aussi être rejetée pour absence d'utilité. j'en veut pour preuve cet arrêt récent du 3 mars 2008 qui a vu le conseil d'Etat annuler pour erreur de droit une ordonnance ayant condamné sous astreinte le ministre de la défense à communiquer à une commune le tableau récapitulatif des activités lucratives et non lucratives réalisées par l'armée sur la partie du territoire de la commune. En effet, la commune avait dans le même temps engagé un référé provision.Or, dans ce cadre, le juge des référés dispose du pouvoir d'enjoindre à l'administration de produire des documents administratifs dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction. La requête sur le fondement de l'article L 523-3 du code de justice administrative était donc superfétatoire : Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Nice s'est fondé, pour juger du caractère utile de la mesure demandée sur le fondement de l'article L.521-3 précité, sur la circonstance que la communication du tableau récapitulatif serait utile pour la commune d'Aiguines dans le cadre de l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 4 mai 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision au titre des sommes qui lui seraient dues au titre de l'année 2006 en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; que sa demande de communication est par suite dépourvue d'utilité dès lors qu'il appartenait au juge des référés saisi de la demande de provision au titre de l'article R. 541-1 de faire usage des pouvoirs généraux d'instruction qui lui sont dévolus pour ordonner, le cas échéant, les communications nécessaires à l'examen de la demande de provision ; que l'ordonnance attaquée est donc entachée d'une erreur de droit

Mais curieusement, dans le cadre de son pouvoir de régler l'affaire après avoir procédé à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés, le Conseil d'Etat ne reprend pas ce moyen relatif à l'absence d'utilité de la mesure, mais rejette la requête pour défaut d'urgence : l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties due au titre de l'année 2007 peut être établie jusqu'au 31 décembre 2008. Ici, l'arrêt du Conseil d'Etat est quelque peu critiquable, dans la mesure où c'est pratiquement une exigence d'extrême urgence qui est demandée.


Publié dans contentieux

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V
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