Les tribulations du Clémenceau

Publié le par Sylvain MANYACH

Par une décision de ce jour 15 février, le Conseil d'Etat décide de suspendre "l'autorisation d'exportation de matériels de guerre délivrée le 29 novembre 2005 en vue de l'exportation de la coque de l'ex-porte-avions Clemenceau, la décision implicite de rejet opposée à la demande tendant à ce que la coque du Clemenceau ne soit pas transférée en Inde pour son désamiantage final et à ce que ce désamiantage soit réalisé en France, enfin la décision, révélée par une déclaration du 22 décembre 2005 du porte-parole du ministre de la défense, de transférer le Clemenceau en Inde en vue de son désamiantage."

Pour ce faire la Haute juridiction commence par assimiler la coque du navire contennant de l'amiante à des déchets selon la règlementation européenne. Or, il s'avère que règlement (CEE) n°259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, directement applicable, interdit l'exporation des déchets vers les pays tiers, sauf vers  ceux  partie à l'Association européenne de libre échange, ou à l'OCDE.

L'inde ne faisant évidemment pas partie de l'un, mais aussi de l'autre, il était difficile, comme l'avait jugé le juge des référés le tribunal administratif, qu'aucun des moyens des requêtes n'était de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.

Alors que les associations écologistes requérantes sollicitaient du Conseil d'Etat une mesure d'exécution, le juge leur réponde bizarement que "toutefois, la présente décision n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'État, comme le demandent les associations requérantes, que la coque de l'ex porte-avions Clemenceau soit rapatriée jusqu'à son port d'attache ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à cette fin "

Nous apprenons toutefois ce soir de la bouche de Jacques Chirac qu'il ordonnait le rapatriement du Clémenceau pour y être désamienté.

Voilà donc une bonne nouvelle : d'abord sur le respect de la légalité internationale grace à une procédure de référé suspension, où le Conseil d'Etat pouvait effectivement apprécier la légalité d'une décision administrative par rapport à un règlement communautaire (et non un moyen tiré de l'inconventionnalité d'une loi). Mais aussi, "la morale". On peut en effet difficilement comprendre que le désamiantyage d'un navire tel que le Clémenceau soit "exporté" vers des pays où les normes de protection de la santé ou de l'environnement sont, par hypothèse, plus réduites que les nôtres...

Publié dans jurisprudence

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S
décidément, le Gvt devrait consulter davantage son conseil juridique pour éviter de fâcheuses divergences d'interprétation au contentieux (qu'est-ce qu'un déchet ? qu'est-ce qu'un passeport ?). A mon avis, la suspension n'impliquait effectivement pas le retour au port d'attache. Un pays européen aurait pu (très théoriquement) se porter acqéreur. On aurait pu aussi amarrer la bête à Mururoa (coucou greenpeace)... Il n'y a pas de chantier en Europe pour désamianter, il fallait bien l'envoyer quelque part ce "déchet". A avoir plus de scrupules que les américains (qui en aurait fait un intéressant site de plongée), on fait la risée du monde entier. Mais le CE a fait son job et a démontré une fois de plus l'indépendance du juge administratif.
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