Responsabilité de l'Etat dans le contrôle d'une association

Publié le par Sylvain Manyach

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2002 "Société mutuelle d'assurance des collectivités locales" rappelle opportunément que l'Etat, et au delà toute personne publique, peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir exercé les contrôles nécessaires sur les activités d'une association subventionnée.

En l'espèce, une association avait été chargée par les services de l'Etat d'assurer des actions d'insertions de jeunes en difficulté par le biais de l'organisation de stages de canoë-kayak. L'action d'insertion professionnelle par le sport se termina dans le drame, 4 stagiaires et le moniteur périssant au cours de la sortie sur une cour d'eau en crue. L'assocation était condamnée à payer à l'assureur des victimes une somme globale de 837 013 ,46 F. ce dernier se retourna contre l'Etat. Après avoir été débouté par le tribunal administratif, la cour accueille la demande et condamne l'Etat à lui payer la somme de 31 000 euros en réparation de ses fautes.

Il faut dire que l'association n'avait aucune qualification ni expérience dans ce domaine de formation. Si l'Etat avait respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence figurant au code des marchés ainsi que les préconisations en ce sens d'une circulaire, l'Etat se serait assuré un prestataire plus sérieux. On voit en effet que s'il est coutumier d'opposer les contraintes du marché à celle du service public, le défaut de mise en concurrence peut au contraire desservir le service public.

Par ailleurs, la convention prévue aux articles L 982-1 et L 982-2 du code du travail n'avait pas été signée le jour de l'accident et que les stagiaires se trouvaient sans couverture sociale.

Enfin, aucun cahier des charges n'avait été établi par l'administration ni aucune instruction délivrée, hormis celle, verbale, de procéder au recrutement d'un moniteur de kanoë.

la cour en conclue fort justement que "de tels dysfonctionnements...dans la mise en oeuvre et le contrôle d'une action de formation professionnelle sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat...que si l'accident est principalement du au comportement fautif du personnel des associations...il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en ne prenant pas les mesures nécessaires pour vérifier que les organismes de formation en cause disposaient des compétences nécessaires et des moyens adéquats pour organiser ce type d'action de formation l'Etat, par l'importance des carences constatées dans l'exercice de sa mission de contrôle, a non seulement rendu possible la survenance de l'accident litigieux..., mais a conctribué effectivement à la survenance du dommage ; que, dans les cironstances de l'espèce, il existe un lein de causalité direct entre la faute...et l'accident".

L'irrégularité dans la procédure de passation du contrat était par elle-même consitutive d'une faute (CE 21 octobre 1949, Berp, CE 23 mai 1979, Commune de Fontenay-le-Fleury), susceptible d'être soulevée d'office (CE 29 janvier 1982, Martin). MLais si cette irrégularité est retenue par la cour, c'est parce qu'elle témoigne d'un "dysfonctionnement dans la mise en oeuvre et le contrôle d'une action de formation".

Il reste que l'arrêt, pour engager la responsabilité de l'Etat,  retient sa faute simple dans l'exercice de ces activités de contrôle et s'incrit dans ce que d'aucuns pressentent comme le recul de la faute lourde.  D'autrezs cours, dans des espèces similaires, ont choisi eux de ne retenir que la faute lourde (CAA Lyon, 28 novembre 1991, Ministre de la culture c/société Productions Christian Juin).

La question de la nature et du degré de responsabilité de l'Etat dans ses missions de contrôle a généré des réponses variées :

La faute lourde est retenue pour :

- le contrôle de certains organismes publics (caisses de crédit municipal CE 29 mars 1946 Caisse départementale d'assurances de Meurthe-et-Moselle) ou prové (caisses de sécurité sociale CE  10 juillet 1957 Ministre du travail ; sociétés mutualistes (CE 23 décembre 1981 Andlauer) ; établissements de crédit (CE 13 juin 1964 D'André, CE 30 novembre 2001 Kechichian, ; compagnies d'assurance (CE 18 février 2002, Dentresangle).

En revanche, la faute simple est retenu dans d'autres cas :

- le contrôle des centres de transfusion sanguine (CE 9 avril 1993) le licenciement des salariés protégés (CE 9 juin 1995 Ministre des affaires sociales c/Lesprit), le contrôle technique des navires (CE 13 mars 1998 Améon).

Selon Yves Gaudemet, la faute simple est retenue l'orsque la marge de manoeuvre de l'organisme contrôlé est faible. En l'espèce, la faute simple de l'Etat peut se justifier par l'étroitesse du contrôle que l'Etat se doit d'exercer siur les associations qu'elle subventionne, dès lors, notamment que l'activité en cause était susceptible de se révéler dangereuse.

Pour conclure, force est de constater que la cour retient une conception souple du lien de causalité qui n'est, selon le commentateur de l'AJDA Mathilde Sausereau (14 juillet 2003 p1350) "guère éloignée de celle que retient le juge pénal en matière d'homicide ou de blessures involontaires, une cause "indirecte" Cass crim 24 octobre 2000 Bull crim n°308)".




Publié dans jurisprudence

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C
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