Les marchés de décoration d'une construction publique

Publié le par Sylvain MANYACH

Une Intéressante ordonnance du TA de Montpellier est rapportée cette semaine dans l'AJDA (AJDA 18/2007 p 977-979, TA Montpellier 13 décembre 2006, commentaire du professeur Jean-Marie Pontier), qui intéresse à la fois le droit de la commande publique, mais aussi indirectement le droit de la propriété intellectuelle. Il s'agit en effet d'une ordonnance prise le juge "statuant en la forme des référés" prise sur le fondement de l'article L 551-1 du code de justice administrative (référé précontractuel) qui fait une application des dispositions particulières à la passation des marchés relatifs à la décoration publique, c'est à dire des contrats passés par les collectivités publiques avec des artistes.

La matière est régi par le décret du 29 avril 2002 modifié, annoncé par l'article 71 du code des marchés. Il est semble-t-il très peu appliqué. Il met à la charge des collectivités publiques menant des opérations de construction, extension de bâtiments publics, réhabilitation, changement d'affectation ou de destination des immeubles une obligation de commande ou d'achats d'oeuvres d'art destinées à être intégrées dans l'ouvrage ou ses abords. Selon l'article 2 du décret "le montant, toutes taxes comprises, des sommes affectées au respect de l'obligation mentionnée à l'article 1er est égal à 1 % du montant hors taxes du coût prévisionnel des travaux, tel qu'il est établi par le maître d'oeuvre à la remise de l'avant-projet définitif. Il ne peut excéder deux millions d'euros. Le coût prévisionnel qui sert de base à ce calcul ne comprend pas les dépenses de voirie et réseaux divers ni celles d'équipement mobilier."

Par ailleurs, le décret fixe des modalités particulières de passation de tels marchés (1) . Notamment, Il fait intervenir pour avis consultatif un comité artistique et fait obligation à la collectivité publique de motivé son choix. le Conseil d'Etat, par un arrêt du 30 juillet 2003, a rejeté une demande d'abrogation du décret, considérant, "d'autre part, que si le CONSEIL REGIONAL D'ALSACE soutient que le décret attaqué institue un contrôle de l'Etat sur les choix artistiques des collectivités territoriales et qu'il méconnaît ainsi les dispositions de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles, selon le CONSEIL REGIONAL D'ALSACE, garantissent la liberté d'expression des artistes et l'autonomie des choix des collectivités territoriales lorsqu'elles acquièrent une oeuvre d'art, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué, qui se borne à préciser les conditions de passation des marchés relatifs à l'obligation de décoration des constructions publiques par les collectivités territoriales, méconnaisse le droit à la liberté d'expression des artistes ni, en tout état de cause, l'autonomie des choix artistiques des collectivités territoriales".

Le comité artistique a pourtant un grand rôle, puisque c'est lui qui élabore le programme de la commande publique, consulte un ou plusieurs artistes :

"Le comité artistique est saisi par le maître de l'ouvrage dès l'approbation de l'avant-projet sommaire. Il élabore, compte tenu du montant calculé conformément à l'article 2, le programme de la commande artistique, qui précise notamment la nature et l'emplacement de la réalisation envisagée et le soumet à l'approbation du maître de l'ouvrage.

Le programme de la commande artistique fait l'objet de la part du maître de l'ouvrage d'une publicité adaptée permettant une information suffisante des artistes, en fonction de la nature et du montant de la commande. Le maître de l'ouvrage indique le nombre d'artistes qu'il consultera. Peut être négociée sans publicité préalable toute commande qui ne peut être confiée qu'à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection des droits d'exclusivité.

Le comité artistique consulte un ou plusieurs artistes qui lui remettent leurs projets. Il les entend, le cas échéant. Il propose un ou plusieurs des projets au maître de l'ouvrage."

Dans l'ordonnance commentée, le juge a considéré que la région Languedoc-Roussillon avait manqué à ses obligations de mise en concurrence en n'utilisant pas les dispositions particulières du décret du 29 avril 2002 mais celles prévues à l'article 28 du code des marchés (procédure adaptée, et en particulier l'obligation de fixation de l'enveloppe du marché.

l'utilisation d'une procédure à la place d'une autre (par exemple, celle de l'appel d'offres à la place de la délégation de service public) constitue bien un manquement aux obligations, qu'en est-il du montant de l'enveloppe du marché. Le tribunal administratif de Montpellier l'avait jugé ainsi pour les marchés publics relevant des procédures générales. Mais le Conseil d'Etat, par une décision du 6 janvier 2006, a jugé du contraire. 

Mais qu'en est-il des marchés de décoration ? Nous avons vu que l'article 2 du décret dispose que "le montant, toutes taxes comprises, des sommes affectées au respect de l'obligation mentionnée à l'article 1er est égal à 1 % du montant hors taxes du coût prévisionnel des travaux, tel qu'il est établi par le maître d'oeuvre à la remise de l'avant-projet définitif". Dans ces conditions, on peut comprendre que le montant prévisionnel du marché puisse être imposé par la règlementation. Et si tel est le cas, d'ailleurs, le prix ne peut être un critère de sélection des offres. Mais l'article 2 impose-t-il seulement un montant plancher ? qu'est ce qui empêcherait une collectivité à voir plus grand dans ses ambitions ? je ne pense pas que le décret puisse l'en empêcher. dans ces conditions, si le montant prévu à l'article 2 est un montant minimum, qu'est-ce qui empêcherait les collectivités de faire du prix un critère de sélection (même mineur) et de la même façon, qu'est ce qui obligerait les collectivités à faire connaître l'enveloppe ? Il serait bon que le Conseil d'Etat tranche cette question.


(1) il ne sagira ici que de commande, l'achat d'oeuvres d'art n'étant soumise à aucune procédure de mise en concurrence.

Publié dans marchés publics

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V
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V
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