la liberté d'entreprendre aux risques des pouboirs de police du maire

Publié le par Sylvain MANYACH

La commune de collioure n'est pas connu seulement pour ses importants, et réels, atouts touristiques, mais aussi pour ses apports récents en matière de contentieux relatifs au référé liberté.

Dans une première ordonnance du 16 septembre 2002 EURL La cour des miracles, le Conseil d'Etat avait jugé que le refus d'autoriser une activité commerciale sur le domaine public ne porte pas atteinte par lui même à une liberté fondamentale au sens de l'article L 521-2 du code de justice administrative. : le refus d'autorisation d'occuper le domaine public à des fins économiques, "alors même qu'il a une incidence sur l'attraction commerciale" d'un restaurant "ne peut être regardé par lui même comme portant atteinte à une liberté fondamentale".

Dans une deuxième ordonnance du 19 mars 2003 concernant la même société basée dans cette commune des Pyrénées Orientales, le Conseil d'Etat précise que "qu'en l'absence de circonstances particulières le refus du maire d'autoriser un établissement commercial à occuper le domaine public communal en vue d'y installer une terrasse ne caractérise par une situation d'urgence impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par l'article L. 521-2 soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les 48 heures ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances particulières qui ne peuvent être caractérisées en l'espèce par la seule proximité de la saison touristique, la SOCIÉTÉ EURL LA COUR DES MIRACLES, qui n'était pas fondée en première instance à saisir le juge des référés sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour demander à ce dernier d'ordonner qu'il soit enjoint à la commune de Collioure d'autoriser l'installation sur le domaine public d'une terrasse de 30 m² attenante à l'établissement de restauration, n'est pas davantage fondée à soutenir en appel que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande". Ici, le conseil d'Etat n'a pas eu à se prononcer sur la présence d'une liberté fondamentale. Mais il ne l'a pas exclu non plus. Quant aux circonstances particulières qui pourraient justifier une situation d'urgence, on pouvait se demander de quoi il pouvait s'agir, puisque la proximité de la saison touristique, qui constituait pourtant l'essentiel de l'activité du restaurateur, n'en constituait pas une en l'espèce...

Dans l'arrêt commune de Collioure du 2 juillet 2003, était en cause une mesure de police du maire prise dans le cadre de l'article L 2213-22 du code général des collectivités territoriales qui permet de réglementer la circulation et le stationnement dans un port de plaisance. Le maire le maire de Collioure avait en effet arrêté le 15 avril 2003 un règlement particulier de police du port de plaisance de Collioure, dont l'article 30, applicable aux navires de transport de passagers, subordonnait l'utilisation de l'emplacement du port réservé à ces navires à la délivrance préalable par le maire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, limite à cinq le nombre des autorisations et interdit à tout navire de transport côtier de passagers pour lequel une telle autorisation n'aurait pas été délivrée d'entrer dans le port et d'y embarquer ou d'y débarquer des passagers. en application de cette règlementation, il avait refusé à la société requérante la possibilité de débarquer et d'embarquer des passagers sur le port de collioure.

la société requérante mettait en avant que le règlement de police était selon elle manifestement illégal dans le sens où les mesures de police ainsi édictées n'étaient pas nécessaires, c'est à dire, proportionnées à l'objectif de police poursuivi, et portaient atteinte à la liberté d'entre prendre.

le conseil d'Etat lui donne entièrement raison : sur le premier point, il rappelle que le maire aurait pu prendre des mesures de police moins sévères pour atteindre son objectif légitime de sécurité publique : "si, compte tenu de l'exiguïté du port de plaisance de Collioure et des risques pour la sécurité des usagers et des riverains que sont susceptibles de créer, d'une part, les mouvements des navires de transport côtier de passagers, d'autre part, les opérations d'embarquement et de débarquement de ces passagers, qui ne peuvent être effectuées que sur un emplacement limité du port, le maire de Collioure tenait de l'article L. 2213-22 du code général des collectivités territoriales le pouvoir de réglementer l'entrée de ces navires dans le port et leur stationnement sur l'emplacement du quai qui leur est affecté, en réduisant par exemple la durée du stationnement, en limitant le nombre de rotations par bateau, voire en interdisant l'entrée et le stationnement des navires excédant une certaine taille, il ne pouvait légalement, comme il l'a fait par l'article 30 du règlement de police contesté, subordonner l'entrée et le stationnement de ces navires à la délivrance préalable d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public".

Sur le deuxième point, le Conseil d'Etat précise "qu'en imposant illégalement l'obtention d'une telle autorisation, dont les conditions et la procédure d'attribution ne sont pas précisées par le règlement de police, de permettre au maire de choisir discrétionnairement les navires de transport côtier de passagers, et les entreprises exploitantes, autorisés à faire escale à Collioure, en évinçant complètement les navires et les entreprises auxquels il ne souhaiterait pas délivrer une telle autorisation ; que, dans cette mesure, les dispositions de l'article 30 du règlement de police portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre des exploitants de ces services de transport côtier de passagers, dont une partie substantielle de l'activité suppose qu'ils puissent offrir à leurs clients la possibilité d'embarquer et de débarquer à Collioure."

Il ne faudrait pas voir dans cette ordonnance une contradiction avec les précédentes espèces commentées. En effet, le Conseil d'Etat prend soin, en répondant à l'argumentation de la commune de collioure, de préciser que "si le refus d'autoriser une activité commerciale sur le domaine public est généralement considéré par le juge des référés comme ne portant pas par lui-même atteinte à une liberté fondamentale, il en va différemment dans les cas où, comme en l'espèce, l'autorité administrative, sous couvert de la gestion du domaine public qui n'est pas en cause ici pour les raisons qui ont été indiquées ci-dessus, institue illégalement un régime d'autorisation que ses pouvoirs de police ne lui permettent pas de créer". Voilà donc ce que peut représenter une "circonstance particulière" : une mesure mesure qui est illégalement prise pour des motifs étrangers à la bonne gestion du domaine public.

Il est important aussi de noter que l'activité d'embarquement et de débarquement de pasagers est certes una activité économique qui s'exerce sur le domaine public portuaire, mais ne constitue pas une occupation privative du domaine public. En ce sens, conformément d'ailleurs à une jurisprudence constante (CE  22 juin 1951 Daudignac et Fédération nationale des photographes-filmeurs), la circulation et le simple stationnement sur le domaine public conforménent à sa destination, qui n'est pas eclusive d'autres utilisations du domaine public, ne peuvent en principe faire l'objet d'une interdiction (générale et absolue) et d'un régime d'autorisation. La simple utilisation du doamine public se rattache en effet à certaines libertés (liberté d'aller et de venir, liberté du commerce et de l'industrie). Il ne faut donc pas la confondre  avec l'occupation privative du domaine public, qui est exclusive de toute autre utilisation du domaine public .

Publié dans jurisprudence

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V
Merci pour ces bons moments sur votre blog. Je suis souvent au poste pour regarder (encore et toujours) ces merveilleux articles que vous partagé. Vraiment très intéressant. Bonne continuation à vous !
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G
Oui, tu as raison. Il aurait fallu, pour invoquer utilement la liberté d'aller et venir, que l'un des passager le fît. Par contre, le Conseil d'Etat aurait pu relever l'impact de la mesure de Police sur la liberté d'aller et venir des passager pour en justifier l'annulation.Mais je dois avouer qu'il faudrait être un peu procédurier pour aller devant le Conseil d'Etat uniquement pour avoir débarqué à Port-Vendres au lieu de Collioure pendant ses vacances ;-)
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G
Je dois avouer que je suis surpris que l'arrêt cité ne fasse pas référence à la liberté d'aller et venir, qui me semble autant menacée que la liberté d'entreprendre et qui est - à mon sens en tout cas - plus "fondamentale" encore.
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S
C'est peut être, tout simplement, que le requérant ne mettait en avant que la liberté d'entreprendre. Mais d'accord avec toi, c'est plus important encore.Cela étant, il faut bien voir ici que c'était une société qui avait fait l'objet de la mesure de police litigieuse. Il me paraît difficile à une société d'invoquer la lierté d'aller et de venir. Et même si elle pourrait le faire (ce dont à vrai dire, je doute), elle était préférable qu'elle se place sur le seul terrain de la liberté d'entreprendre. Il lui était en effet plus facile d'établir que par rapport à son activité commerciale, la mesure de police et d'interdiction qu'elle cherchait à suspendre portait une atteinte grave et immédiate à ses intérêts.Et il va sans dire que si la liberté d'entreprendre est peut être une liberté moins éminente que la liberté d'aller et de venir, il s'agit bien d'une liberté fondamentale à laquelle la juge des référés libertés doit protection quand les conditions posées par le législateur sont réunies.