Le service universel des télécommunications est financé par un impôt

Publié le par Sylvain MANYACH

Curieuse décision que celle du 18 juin 2003 Société Tiscali telecom, publiée au recueil Lebon (AJDA 20 octobre 2003 p 1888-1893 aux commentaires de Norbert Foulquier).

A la suite d'un arrêt de la cour de justice des communautés européennes du 6 décembre 2001 qui jugé certaines des dispositions du code des postes et télécommunications relatives au financement du service universel des télécommunications incompatibles avec le droit communautaire applicable, le ministre délégué à l'industrie prenait un arrêté, non publié, les nouvelles modalités de calcul de cette contribution au titre de l'année 2002, accompagné d'une annexe indiquant les sommes dues par chaque opérateur, c'est à dire que qu'aient été modifiées au préalable les dispositions de l'article L 35 du code des postes et télécommunication, devenues inapplicables.

Il est clair que le ministre était incompétent pour prendre l'arrêté querellé. Mais le Conseil d'Etat, en application de sa jurisprudence sur les circonstances exceptionnelles : du fait de la carence excusable des autorités règlementaires normalement compétentes, c'est la continuité d'un service public essentiel à la vie de la nation (services d'urgences, notamment) qui justifie l'obligation de pourvoir au fonctionnement dudit service et de déroger, légalement, aux règles habituelles de procédure et de compétence. En l'espèce, le Conseil d'Etat enrichit encore cette thérie, appilcable certes assurer la continuité du service, mais aussi pour garantir "la pleine application du droit communautaire".

Mais dans le même temps, "il incombait aux autorités compétentes de rendre publiques les nouvelles modalités d'évaluation du coût net du service universel ainsi que le montant du coût net du service universel pour l'année considérée dans des conditions de clarté et de délai suffisantes pour permettre aux opérateurs participant au financement du service universel de prévoir le montant des contributions qui leur seraient réclamées et de s'en acquitter dans les délais prescrits, conformément à l'exigence de transparence découlant de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, notamment de son article 5"

Et, pour ce motif, le Conseil d'Etat annule l'arrêté du ministre, "les opérateurs de télécommunications n'ont pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir déterminer le montant de la contribution prévisionnelle qui serait exigée d'eux au titre de l'année 2002 et s'en acquitter dans les délais fixés, lesquels ont d'ailleurs été abrégés"

En somme, si des circonstances particulières liées à la continuité du service public des télécommunication et à la pline application du droit dérivé communautaire justifient qu'il soit dérogé à des règles de compétences internes, ces pouvoirs exceptionnels doivent céder le pas devant une exigence, formelle, du droit communautaire lié à la prévisibilité du droit !

Serait-ce donc que les règles de compétence fixées par la constitution seraient moins importantes que l'application d'une directive ?

On pensait, comme le Conseil d'Etat en 1998, que"la suprématie conférée aux engagements internationaux (par l'article 55 de la constitution)ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle.". Mais il est vrai aussi que le Conseil d'Etat n'avait pas ici (grace à la mention relative à la continuité du service public à faire application de sa jurisprudence selon laquelle la violation de dispositions constitutionnelles par un acte administratif pris en application directe d'une norme internationale est inopérante.

En ce qui concerne le sort à réserver à la demande de décharge de la contribution réclamée à la société, laquelle n'avait été précédée d'aucune demande préalable au ministre, il dépendait de la nature juridique de la contribution en cause. taxe parafiscale, redevance, ou impôt ? Seule en effet une demande de décharge à l'encontre d'une contribution fiscale doit être précédée d'une demande préalable.

Le Conseil d'Etat écarte la qualification de taxe parafiscale, qui n'existe plus depuis le 31 décembre 2003. Il rejette aussi la redevance. La contribution ne peut être une redevance, dès lors que le service rendu bénéficie aussi à d'autres personnes que le redevable lui même ou lorsque son montant n'est pas la contrepartie du service rendu aux usagers.

Pourtant, comme le rappelle Norbert Foulquier, s'il s'agit bien d'un impôt,  "le législateur n'avait pas épuisé sa compétence" quand il l'a institué. Aussi, "si le Conseil d'Etat semble avoir respecté sa propre jurisprudence en matière de redevance, c'est au prix de l'inconstitutionnalité de la loi : plus précisément, en randant une loi inconstitutionnelle une loi reconnue conforme à la constitution par le Conseil Constitutionnel!"

Heureusement que Conseil d'Etat n'examine pas la conformité de la loi à la constitution !!

Publié dans Droit Fiscal

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